L’agriculture de demain: Et si c’était l’aquaponie ?

Texte par : Alice Chanteau, Juliette Finzi, Julie Fraix et Charlotte Lasserre

Depuis plusieurs années de nouvelles alternatives à l’agriculture intensive émergent. Parmi elles, l’aquaponie, système combinant à la fois l’élevage de poissons et la culture de plantes, se développe peu à peu dans nos grands pôles urbains. Si elle présente de nombreux avantages face aux problèmes actuels de l’agriculture et de l’élevage, elle est aussi confrontée, au Québec, à des freins économiques et politiques.

À quoi ressemblera l’agriculture du futur ?

Ferme aquaponique de Kahnawake. Photo : Écosystèmes Alimentaires Urbains

Cette question, à laquelle vous n’avez peut-être pas de réponse, Marc Laberge et Benjamin Laramée se la sont posée pour vous. Leur réponse tient en seul mot : aquaponie. Ces deux professionnels du secteur, l’un consultant dans ce domaine depuis plusieurs années et l’autre directeur scientifique de la firme québécoise ÉAU, ont accepté de nous guider sur ce sujet, afin d’approfondir nos connaissances sur cette agriculture. Résolument urbaine, s’adaptant aux espaces étroits et verticaux qu’offrent nos villes, et conçue sur le mode durable, sans pesticides ni consommation d’eau exorbitante, l’aquaponie est bien réelle.

Sur une terre qui connait un épuisement des ressources causé par une agriculture intensive, une telle technique est essentielle. Écoresponsable, et pleines de promesses, quel est son potentiel d’implémentation? Comment fonctionne-t-elle? Son implantation est-elle envisageable au Québec?


En 2016, au Québec le secteur de l’agriculture a rejeté 9,6 % des émissions de gaz à effet de serre soit 7,6 mégatonnes d’équivalents de CO2.

— Gouvernement Canada, 2018

L’agriculture intensive, un bilan qui fait froid dans le dos

Perte de sol, contamination des eaux ; les constats font mal ! 

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’agriculture canadienne  a connu des modifications profondes. En effet la demande du marché et les nouvelles technologies ont façonné les exploitations agricoles. Elles sont maintenant moins nombreuses et plus grandes, avec une superficie cultivée et un nombre d’animaux par mètre carré plus élevés. L’usage accru des pesticides, l’utilisation d’une machinerie de plus en plus lourde, l’intensification des cultures industrielles et de la monoculture de plantes annuelles dans plusieurs régions soulèvent des questions face à la problématique de la protection de l’environnement et de la conservation des sols. Selon Statistique Canada, en 2011 plus de 69% des fermes de cultures canadiennes ont déclaré avoir appliqué des herbicides, et leurs usages ont augmenté de 30% depuis 1992. En 2016, le commissaire au développement durable affirmait que : « Les multiples plans gouvernementaux mis en place depuis plus de 20 ans pour réduire l’utilisation de pesticides n’ont pas réussi à atteindre les objectifs ; la dépendance aux pesticides dans la production agricole n’a pas diminué”. Les constats qui en résultent sont inquiétants. Plusieurs études montrent que les méthodes  intensives de production dégradent effectivement la qualité du sol, se traduisant par la contamination par des éléments traces, l’accumulation de sel et la réduction de matière organique dans le sol. L’eau non plus n’est pas épargnée. En plus d’être consommée en grande quantité par les systèmes d’agriculture, elle est contaminée par leur rejet en azote, phosphore, pesticides et herbicides. Et l’application accrue d’engrais,  de fumier, de pesticides et herbicides ne fait qu’accroître cette contamination induisant aussi le déclin des espèces aquatiques.


Le saviez-vous?

Avant le XXème siècle, plus de mille espèces végétales étaient cultivées. Aujourd’hui, seules 150 le sont encore, dont quatre (riz, blé, maïs et pomme de terre) qui représentent 60 % de l’alimentation végétale mondiale.


De l’énergie qui coule à flots

Machinerie, transport, fabrication des engrais de synthèse ou des plastiques utilisés pour certaines cultures, chauffage des serres, reposent essentiellement sur les énergies fossiles. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le quart des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique est produit par l’agriculture. Selon les données de l’office de l’efficacité énergétique publiées en 2018 l’utilisation d’énergie pour le transport alimentaire représente 35% de l’énergie consommée par la totalité des transport au Canada avec une augmentation de 40% depuis les années 1990. En effet, la délocalisation de la production oblige un transport régulier intra- et intercontinental. L’alimentation pèse lourd dans le bilan carbone des Québécois.


Le saviez-vous?

Il faut 25 litres d’eau pour produire  1 kg de salade, 100 litres pour 1 kg de pommes de terre, et 400 litres pour 1 kg de maïs.


L’agriculture est le secteur qui consomme le plus d’eau

La consommation d’eau pour l’agriculture a été multipliée par six entre 1900 et 1975, et représente 70% de la consommation mondiale. Avec l’irrigation par système d’aspersion par pression 30 à 60 % de l’eau d’arrosage s’évapore et ne profite pas aux cultures. Au Canada en 2011 cette technique d’irrigation était de loin la plus populaire.

Une pharmacie dans votre poisson

Un boom démographique conjugué à un appétit grandissant pour le poisson a raréfié cette ressource et épuisé les réservoirs. Mers, lacs, et rivières sont incapables de suivre la demande qui ne cesse de croître. La demande étant maître, des systèmes d’élevages de poissons ont vu le jour, comme l’aquaculture. Or, les activités piscicoles requièrent l’utilisation d’antibiotiques à outrance d’une part visant à engraisser les poissons et d’autre part afin d’éviter et/ou de soigner les maladies. Selon le rapport Médicaments et environnement de l’Académie nationale de pharmacie en France  » l’excès d’utilisation des antibiotiques en aquaculture (…) augmente la susceptibilité aux infections et la présence de bactéries antibio-résistantes  » représentant alors une menace non negligeable pour la santé publique.


Un peu d’histoire…

Modèle de chinampas aztèques au musée de Nouvelle-Zélande. Model : Te Mahi, Photo : Te Papa

L’aquaponie existe en réalité depuis longtemps. En effet les Aztèques avaient développé cette pratique permettant une production intensive toute l’année afin de subvenir aux besoins croissants de leur population. Près de 200 ans plus tard, de l’autre côté du Pacifique, les Chinois ont développé un système de cohabitation de pisciculture et de culture de riz. La pratique, restée populaire en Chine pendant longtemps, a connu un déclin  suite à la révolution industrielle. De plus, pendant les années 1940, l’émergence d’engrais synthétiques permettant d’accroître les rendements a mis de côté les systèmes d’agriculture durable. En revanche, d’après le directeur de recherche en charge du développement de solution bio-industrielles au Ministère de l’Agriculture de la province de l’Alberta, la pression de l’opinion publique et sa méfiance envers les OGM et pesticides jouent un rôle moteur dans la résurrection de systèmes plus éco-responsables et durables, telle que l’aquaponie.


La recette pour une ferme aquaponique qui fonctionne

Première étape: Le choix des espèces piscicoles et végétales

Tilapia

Photo : Germano Roberto Schüür/CC BY-SA

Truite arc-en-ciel

Photo : CC0

Perchaude

Photo : Robert Colletta/CC PMD

Le gestionnaire responsable des espèces d’organismes aquatiques autorisées pour l’aquaponie au Québec est le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP). Celui-ci établit les zones piscicoles, les espèces et les activités permises. Les salmonidés, tels que la truite arc-en-ciel, l’omble de fontaine et l’omble chevalier, sont des espèces autorisées à être élevées presque partout sur le territoire. Certains percidés tels que le doré et la perchaude ne peuvent être élevés que dans certaines zones précises du Québec. Néanmoins, les poissons exotiques particulièrement  adaptés aux conditions d’élevage de l’aquaponie, notamment le tilapia, certaines carpes et le barramundi, ne sont pas autorisés  au Québec.


Grâce à l’aquaponie, des protéines animales et des légumes sont produits au même endroit!

L’aquaponie est l’association d’une culture de plantes hors sol et d’un élevage de poissons, au sein d’un même circuit fermé. Les poissons excrètent dans l’eau de l’ammoniaque qui est ensuite transformé en nitrate par les bactéries vivant dans l’eau. Ce nitrate est alors absorbé par la plante qui l’utilise pour sa croissance. En retour, les plantes, grâce à leurs racines purifient l’eau des poissons ! Ces interactions entre les plantes et les poissons présentent ainsi des bénéfices réciproques.


Pour les plantes, le MFFP recommande de commencer une production aquaponique avec des espèces robustes à croissance rapide et qui demandent peu de nutriments : les  légumes à feuilles comme la laitue, la roquette ou les fines herbes. Une fois que la culture aquaponique de ce type de plantes est maîtrisée, on peut envisager de cultiver des plantes qui nécessitent plus de nutriments, tels que la tomate, le concombre, la fraise, etc… Les fermes aquaponiques ÉAU sont capables de produire plus de 150 espèces différentes de fruits et légumes. Benjamin Laramée nous a confié que d’un point de vue technique n’importe quelle espèce végétale peut être cultivée, la seule limite reste alors celle du rendement.

Deuxième étape: Le choix du substrat

Radeau

Photo : Aqua Mechanical / flickr.com / CC BY

Stabilité de la physio-chimie de l’eau
Récolte facilité
Rendement élevé

Choix de plantes cultivables limitées

Film de nutriment

Photo : Aqua Mechanical / flickr.com / CC BY

Forte économie d’eau
Mise en place facile

Choix de plantes cultivables limitées
Utilisation de plastique
Risques importants de fluctuation du pH et de la température

Substrat inerte

Photo : Bruno Vitasse//Zone-AH! / flickr.com / CC BY-NC-SA

Choix de plantes cultivables plus large
Forte économie d’eau

Entretien plus rigoureux : changement de substrat fréquent
Surcoût lié au transport des substrats

Dans le livre Sustainable Aquaculture, Edoardo Pantanella présente trois techniques pour faire pousser des plantes dans un système aquaponique. La première d’entre elles se compose d’un système flottant et d’une culture en eaux profondes. Les plantes flottent sur des radeaux de polystyrène, dans plusieurs réservoirs pouvant avoir différentes profondeurs, en fonction des besoins de la plante. Encore une fois l’eau apporte tous les nutriments nécessaires à la croissance des plantes, ce qui explique qu’elles n’ont pas besoin de sols en terre pour pousser. La seconde méthode se base  sur l’utilisation de films de nutriments, qui consiste à placer les plantes dans des tuyaux de plastique à fond plat, à la surface desquels des trous accueillent les plantes. Au fond de ces tuyaux circule de l’eau à un débit très lent. Cette eau, riche en nutriments, et accessible aux plantes via leurs racines, forme un film de nutriments contenant tout ce qui est nécessaire à la plante. Enfin, il est possible d’avoir un système aquaponique poussant sur des sacs remplis de substrat solide. Il existe de nombreux substrats disponibles à cet effet, comme la mousse de tourbe ou le sable, la seule condition étant qu’ils ne doivent pas être en contact direct avec le sol, afin de maintenir isolé l’écosystème aquaponique. L’eau et ses nutriments devront dans ce cas être délivrés à l’aide de micro-irrigateurs puis récupérés avec un système de récupération de l’eau dans chaque réservoir.

Troisième étape: Système couplé ou découplé ?

Une fois la méthode permettant de faire pousser les végétaux choisie, il faut compléter le système avec des poissons et un filtre de micro-organismes. Pour cela deux types de systèmes, caractérisés par des techniques de circulation d’eau différentes, peuvent être examinés. Dans les systèmes couplés, les trois types d’organismes (poissons, plantes, bactéries) sont rassemblés et en contact.  Les déchets de poissons passent par la cuve contenant les bactéries qui oxydent l’ammonium en nitrite, puis en nitrate. Le nitrate peut alors être assimilé par les plantes comme nutriment et engendre la croissance de la plante à cultiver. L’eau est le médium qui permet le transport des déchets de poissons vers les bactéries puis celui des nutriments vers les plantes. Ce système aquaponique est le plus empirique et il est facile à assembler. Cependant les organismes étant interdépendants les paramètres sont à surveiller de près (pH, température, volume…). En effet en cas de soucis au niveau d’un élément, tout le système devient obsolète.

Si le système aquacole (piscicole) et le système hydroponique sont séparés, l’aquaponie est dites «découplée» : le flux d’eau ne sera ouvert que dans un seul sens, ponctuellement, du système contenant les poissons vers celui des plantes. Le système piscicole est alors considéré comme un système d’aquaculture recirculé (« RAS ») dans lequel les rejets vont servir de fertilisants au système hydroponique.

Dans ce cas les paramètres sont ajustables indépendamment, on peut éviter des carences en nutriments chez les poissons sans conséquence envers les plantes et traiter les nuisibles. La rentabilité sur la production de plantes est optimisée. Dans un système découplé le compartiment piscicole influe sur la production végétale mais non réciproquement. Cependant il nécessite plus d’expertise pour gérer les différents compartiments indépendants et contient plus d’éléments, donc nécessite davantage de place et de financement.


L’avis d’un expert

Le propriétaire, Marc Laberge, tient un radeau de laitue lors d’une récolte au printemps 2007. Photo : Cultures Aquaponiques M.L. Inc. 

«Au début j’utilisais des systèmes couplés. À partir de 2009 j’ai commencé à utiliser des systèmes découplés, cela m’a permis d’avoir de l’eau plus froide pour les poissons et de l’eau plus chaude pour les plantes. Et c’est à partir de ce moment-là que le système est devenu rentable. »

Marc Laberge, spécialiste en aquaponie

La révolution aquaponique aura-t-elle lieu au Québec ?

Pourquoi choisir l’aquaponie ?

Comparativement à l’agriculture industrielle, la technologie développée permet  d’utiliser 80% d’eau en moins, tout en évitant à la fois les rejets dans l’environnement et le recours aux engrais, pesticides et antibiotiques. En effet, le mécanisme en lui même interdit l’utilisation de pesticides et antibiotiques étant donné que ces derniers tueraient les bactéries. La perspective de petites fermes urbaines aquaponiques dans les villes au détriment des grandes monocultures hors des villes permettrait également une réduction significative de l’émission de CO2 liée au transport. D’après Tom Boekestyn, floriculteur de la province d’Ontario, les produits aquaponiques ont des bienfaits pour la santé. En effet ils ont des teneurs en calcium et magnésium plus élevées et contiennent beaucoup moins de nitrate. Quant aux rendements des fermes, un système aquaponique requiert beaucoup d’expertises mais avec une bonne connaissance de la matière  “le système peut gagner 50 centimes de dollar par mètre carré de plantes par jour”, déclare Jean-Yves Mével, chercheur en aquaculture à l’université des Emirats Arabes unis. Par ailleurs l’aquaponie se démarque à la fois de l’aquaculture mais aussi de l’hydroponie. En effet, l’aquaculture intensive repose généralement sur une approche de monoculture. Elle est dépendante de la qualité et de la quantité d’eau disponible, et utilise des quantités importantes d’aliments qui génèrent des rejets, sous la forme de matières organiques solides (matière fécale) et d’éléments inorganiques dissous (nitrates et phosphates principalement). En trop grande quantité et sans gestion ou filtration adéquate, ces rejets peuvent engendrer de la pollution pour l’élevage lui-même, conduire à des développements d’algues (micro ou macro) et à une eutrophisation du milieu.

En parallèle, des modèles de production végétale hors-sol sous serres tel que l’hydroponie sont aujourd’hui à un stade avancé de maîtrise technique et agronomique et peuvent contribuer à de nouvelles pratiques et innovations. Ces dernières s’inscrivent dans un mouvement plus large d’ajustement ou de réorientation face aux défis alimentaires, écologiques et climatiques de notre siècle. Cependant, même si hydroponie permet un contrôle total de l’utilisation d’engrais par rapport à la culture conventionnelle, elle reste fortement dépendante de la production de sels minéraux de synthèse ou d’origine minière. Leur production ou extraction a un impact environnemental non négligeable, et certaines ressources telles que les phosphates sont limitées. Une solution est le recyclage et la valorisation des rejets piscicoles par des cultures hors-sol, autrement dit : l’aquaponie.


La clé du fonctionnement de l’aquaponie est microscopique

Dans leur propre contenant, ayant un accès direct à l’eau rejetée par les poissons, une microflore s’épanouit. En plus de convertir l’ammoniaque en nitrate, micro-algues et bactéries produisent du dioxygène à partir des rejets de dioxyde de carbone, ce qui a pour effet de réduire le taux de CO2 dans l’eau, et de fournir directement du dioxygène consommable pour les poissons. Par ailleurs, lorsque l’eau circule dans le système, elle fait circuler avec elle une petite part des micro-organismes. Les poissons entrent donc régulièrement en contact avec ces différents micro-organismes, maintenant ainsi leur système immunitaire en veille constante.

En effet, si de nombreux micro-organismes sont naturellement présents dans l’eau d’une pisciculture, ce n’est pas le cas de tous ceux cultivés dans un espace qui leur est dédié lorsqu’on fait de l’aquaponie. Les poissons ont donc une meilleure résistance aux maladies, et ont besoin de moins d’antibiotiques et de médicaments. Les levures et les champignons de leur côté participent à la bonne marche du système : en effet, plus le milieu est riche en micro-organismes, meilleure est la santé de l’écosystème en entier !


Quels obstacles à son implantation au Québec au niveau commercial ?

Investissement initial

$ 4,000,000


Rendement annuel

20 tonnes de truites

50 à 70 tonnes de
produits maraîchers


Retour sur investissement

entre 6 et 7 ans

Construire et mettre en fonctionnement une ferme aquaponique nécessite un investissement de départ beaucoup plus important que pour une ferme en agriculture traditionnelle. L’entreprise ÉAU propose, par exemple, une ferme « clé en main », en accompagnant la conception, la construction et la mise en opération de la ferme. Ainsi, une ferme aquaponique qui produit environ 20 tonnes de truites arc-en-ciel et entre 50 et 70 tonnes de produits maraîchers par an coûte autour de 4 millions de dollars Canadien sans compter l’achat du terrain. Néanmoins le retour sur investissement théorique se situe souvent entre 6 et 7 ans grâce à la rentabilité de la production aquaponique. Pour soutenir cet investissement initialement très coûteux, il existe au Québec le programme gouvernemental Ecoleader, qui aide les projets s’inscrivant dans le développement durable. Une autre difficulté est de maintenir l’équilibre biochimique dans ce système où tous les compartiments sont interconnectés. Sans surveillance, tel un orchestre privé de chef, le moindre choc peut transformer une symphonie en cacophonie. Il est donc nécessaire de contrôler en permanence la viabilité du système, et le nombre de paramètres à prendre en compte rend cette tâche complexe. Sans formation appropriée, monter une ferme aquaponique relève de l’impossible nous confient sans hésitation Marc et Benjamin. Et justement des formations en aquaponie, il n’y en a pas beaucoup. Au Québec, ÉAU est la première entreprise à proposer une formation mais cela reste insuffisant pour faire de l’aquaponie une méthode d’agriculture de premier plan. Le développement d’une économie de l’aquaponie au Québec devra donc passer par la création de formations, adaptées à la fois aux futurs professionnels du secteur, que ce soit des débutants en système agricole ou bien des travailleurs agricoles en reconversion vers un système durable, et aux particuliers souhaitant avoir un jardin aquaponique miniature chez eux.

«Pas de label biologique pour l’aquaponie­» s’insurge Marc Laberge, furieux contre le gouvernement du Québec, qui sans suivre l’exemple du reste du Canada, n’autorise pas les produits issus de l’aquaponie à être commercialisés sous l’étiquette bio. Décidé à faire reconnaître les vertus du système aquaponique, il estime que la position du gouvernement fait directement obstacle au développement des fermes aquaponiques au Québec. De son côté, Benjamin est plus optimiste sur ce sujet et envisage la possibilité de la création d’un label aquaponie si le gouvernement ne revient pas sur ses positions.

Actuellement, la certification biologique représente une valeur sur le marché non négligeable concernant les produits d’agriculture biologique. En parallèle, l’élaboration d’un label «aquaponics» est en train de prendre forme, ce qui apporterait une valeur ajoutée aux yeux des consommateurs.

Modèle de ferme aquaponique proposée par ÉAU. Photo : Écosystèmes Alimentaires Urbains

Perspectives

L’aquaponie est aujourd’hui un système d’agriculture durable prometteur, en particulier en milieu urbain, où la verticalisation de l’agriculture est économiquement intéressante. Néanmoins le secteur n’est pas encore  arrivé à maturation et aurait besoin de nouveaux investissements, en particulier au Québec, pour connaître une réelle expansion, à la fois au niveau des professionnels agricole et pour le faire connaître du grand public. Le coût élevé de mise en place d’une structure aquaponique et la nécessité d’une formation spécifique, en plus d’une histoire agricole québécoise qui régule sévèrement l’aquaculture, sont des obstacles à son développement rapide. De plus, ce secteur attire encore trop peu l’attention pour qu’un réel soutien public ou gouvernemental soit mis en place. Les premières fondations d’une agriculture de l’avenir basées sur l’aquaponie ne peuvent se mettre en place que petit à petit, via des initiatives comme celle d’EAU, et devront passer par la sensibilisation des consommateurs potentiels sur les avantages d’adopter l’aquaponie dans nos jardins et sur nos toits.