Le tour du monde à dos de plastique

les déchets anthropiques marins : perturbateurs écosystémiques et physiologiques

Auteurs(es) : Marie-Claude Guenette – Danyk Huard – Christophe Duong-Lefebvre – Charlie Labelle

Chaque année, entre 5 et 19 millions de tonnes de nouveaux débris de plastique se retrouvent dans les océans. Uniquement dans la grande parcelle de plastique du Pacifique (entre Hawaï et la Californie), on retrouve 1,8 mille milliards de morceaux de plastique, dont les trois quarts sont plus gros que 5 cm. Ces débris sont la cause directe et indirecte de plusieurs problèmes émergents, dont la dispersion facilitée d’espèces invasives ou les multiples impacts du microplastique et sa capacité à concentrer les polluants de l’environnement.

L’épopée du plastique

Pour la grande majorité d’entre nous, imaginer tous les aspects de notre vie sans l’utilisation de plastique sous toutes ses formes est simplement impossible. Pourtant, le plastique n’a pas toujours été aussi omniprésent dans nos sociétés. Tout d’abord, le plastique, tel qu’on le connaît aujourd’hui, est un polymère, c’est-à-dire une molécule formée par l’enchaînement de plusieurs petites molécules. Bien qu’il existe des polymères naturels, comme l’amidon ou la cellulose, le plastique est un polymère synthétique, ce qui signifie qu’il a été fabriqué à partir de matériaux artificiels, donc créé par l’humain. C’est en créant des chaînes d’atomes très longues et répétitives que nous parvenons à donner au plastique toutes les qualités qui le rendent avantageux: résistance, légèreté et flexibilité. Même si l’invention du premier polymère synthétique remonte à 1869, ce n’est qu’à partir de la Seconde Guerre mondiale que son expansion fut fulgurante. Pendant cette période, la production de plastique a explosé de 300% aux États-Unis seulement, afin de permettre aux industries de fournir du matériel de guerre à l’armée: parachute, nylon, plexiglas… Cependant, son utilisation a continué bien après la guerre, car les objets fabriqués en plastique étaient souvent plus abordables et durables que ceux faits à partir de matériaux naturels.

Toutefois, ce sont les mêmes qualités qui ont suscité la popularité du plastique qui en font aujourd’hui un obstacle de taille d’un point de vue écologique. Une des problématiques les plus inquiétantes actuellement est la pollution des océans par le plastique, qui a été soulevée dès les années 1960. Les déchets se retrouvant en mer n’ont pas tous la même origine: certains proviennent de sources terrestres (80%) alors que d’autres proviennent de sources marines (20%). Les déchets anthropiques terrestres débutent leur voyage lorsqu’un objet est délaissé dans un lieu public (stationnement, plage ou parc) puis est lessivé par la pluie, la fonte des neiges ou soufflé par le vent dans des courants d’eau qui se trouvent à proximité (70% de la population mondiale habite à moins de 5 km d’un cours d’eau). Les détritus peuvent aussi provenir de déversements inappropriés ou illégaux de déchets industriels ou domestiques. En ce qui concerne les déchets de source marine, ceux-ci proviennent en général de bateaux de transport, de plateformes pétrolières ou de quais de pêche, quoique leur origine reste bien souvent incertaine.

Les continents de plastique

Une fois arrivés en mer, les débris de plastique sont entraînés par des courants marins, appelés gyres, qui forment de grands « tourbillons » dans lesquels les débris s’accumulent. Les continents de plastique sont le résultat de cette accumulation, et bien que le plus gros (d’une superficie d’environ 3 fois la France!) et le plus connu soit celui qu’on appelle « la grande parcelle de plastique du Pacifique » (aussi connue sous le nom de Great Pacific Garbage Patch en anglais), il existe présentement 5 continents de plastique. Selon The Ocean Cleanup, une organisation à but non lucratif ayant pour mission de nettoyer les océans du monde entier, 80 000 tonnes de plastique (environ 8 fois le poids de la tour Eiffel!) se trouvent en ce moment dans la grande parcelle de plastique du Pacifique seulement. Toujours selon The Ocean Cleanup, les catégories de déchets les plus courantes dans les continents de plastique sont les polyéthylènes (bouteilles et sacs en plastique), les polypropylènes (emballages alimentaires et pailles) ainsi que du matériel de pêche abandonné.

La localisation des différents continents de plastique dans le monde. Les numéros indiquent en ordre croissant l’importance en taille de chaque continent. Les numéros 1 et 3 sont dans l’océan Pacifique (le numéro 1 est le Great Pacific Garbage Patch), 4 et 5 dans l’océan Atlantique et le numéro 2 dans l’océan Indien.

Mission 100 tonnes
La Mission 100 tonnes a pour but de retirer des déchets de plastique des cours d’eau du Québec et du monde entier. Mis sur pied en 2018 par Jimmy Vigneux et la biologiste Lyne Morissette, le projet fonctionne grâce à des actions citoyennes volontaires. Cependant, Dre Morissette prend bien soin de souligner que les activités de nettoyage ne prennent pas la forme de corvées, mais bien d'événements festifs, ce qui les rendent plus accessibles, plaisantes et efficaces. Il semblerait d’ailleurs que miser sur la participation volontaire porterait fruit, car l’objectif initial de 10 tonnes a été complété en seulement 75 jours en 2018. L’objectif de 100 tonnes a quant à lui été atteint en décembre 2020. La prochaine étape est encore plus ambitieuse: retirer 1000 tonnes de déchets des cours d’eau! 
© Mission 100 tonnes

Dans plusieurs pays en voie de développement, la déficience dans la gestion de déchets est due à un financement inadéquat, un manque de gestion et un manque de techniques des municipalités à gérer la constante croissance de la demande de la disposition des déchets. Des dépotoirs à ciel ouvert sont encore courants à certains endroits, mais ce type de site ne permet pas le triage des déchets et n’est donc pas optimal. La gestion inadéquate des déchets peut causer de sérieuses pertes économiques et engendrer des problèmes environnementaux risquant d’affecter la santé humaine et animale. La meilleure façon de sensibiliser les populations à diminuer leur production de déchets est par l’éducation : en diminuant notre quantité d’ordures par le simple fait du triage (déchets, recyclage, compostage), nous pouvons minimiser notre impact sur l’environnement.

Le plastique en tant que vecteur d’espèces non-indigènes

Le réchauffement climatique favoriserait-il le déplacement d’espèces sessiles?

Les causes de l’accumulation de plastique dans les océans ne sont pas seulement directes, mais également indirectes. Le rôle que nous jouons dans le réchauffement climatique cause une hausse de désastres naturels ainsi que l’augmentation de périodes de sécheresse suivies de fortes précipitations. Selon le délégué scientifique américain aux Nations unies James T. Carlton, ces événements climatiques entraînent davantage de déchets dans les océans lorsqu’ils frappent les côtes des continents. Par exemple, le tsunami de 2011 au Japon est responsable à lui seul du relâchement de près de 5 millions de tonnes de débris dans nos océans. Cet influx substantiel de nouveaux débris ajoute un stress supplémentaire aux écosystèmes, qui sont déjà aux prises avec des problèmes tels que l’empêtrement d’animaux marins et d’oiseaux, la possible toxicité du plastique et la possibilité d’introductions de nouvelles espèces non indigènes. Les débris terrestres ayant passé plusieurs semaines, voire des mois et même des années en mer, il est fortement probable que des organismes sédentaires s’y soient attachés et les utilisent comme radeaux. Selon des observations faites en Amérique du Nord et à Hawaii par James T. Carlton, plusieurs centaines d’espèces non indigènes de divers taxons ont été retrouvées sur la côte nord-américaine. La majorité de ces espèces étaient des mollusques, des algues ou des bryozoaires, quoique des poissons aient aussi été identifiés à quelques reprises. Une fois en mer, il est possible que les divers courants marins aient poussé ces radeaux de fortune et les organismes qu’ils transportaient vers des écosystèmes côtiers totalement différents de ceux d’où ils sont partis, offrant donc un nouveau milieu de colonisation à ces organismes. Si l’espèce possède des caractéristiques lui permettant de mieux exploiter le milieu que les espèces natives qui s’y trouvent déjà, cette espèce pourrait devenir envahissante. Cependant, plusieurs déchets marins aboutissent dans des zones difficiles d’accès, et il est donc complexe de tracer un portrait définitif des espèces faisant de l’auto-stop.

Qu’est-ce qu’une espèce invasive? 
Une fois sur des débris, comment les organismes font-ils pour survivre à cet interminable voyage? Évidemment, ce ne sont pas toutes les espèces qui peuvent effectuer cette traversée, seules certaines d’entre elles possédant des caractéristiques précises peuvent y arriver. Les espèces ayant le plus de potentiel d’être invasives ont généralement une reproduction rapide, ont besoin de peu de ressources alimentaires, ont une capacité de dispersion élevée et une forte capacité d’adaptation. Dans nombre de cas, plusieurs espèces de mollusques accrochées à des débris sont prêtes à se reproduire dès leur arrivée dans de nouveaux milieux, ce qui augmente le risque d’invasion.
© Dave Britton/USFWS – Flickr
Qu’est-ce qui est différent avec les déchets de plastique?

La nature des débris joue un rôle majeur sur leur possibilité de fournir aux organismes un habitat propice à un voyage en mer, ainsi que sur la longueur de celui-ci. Les débris à base de plastique ont une plus longue durée de vie et resteront donc en mer plus longtemps. De plus, comme le plastique est souvent léger, la plupart des débris flottent longtemps en mer, ce qui fait d’eux des radeaux parfaits. Une autre particularité est que leur faible biodégradation fait en sorte qu’ils ne se décomposent pas rapidement et conservent donc longtemps la même taille, offrant un habitat stable pour les organismes qui y sont attachés. Des objets de plus grande superficie ont la capacité de porter plus d’individus, donc une biodiversité plus importante. Selon la biologiste marine Lyne Morissette, spécialiste des mammifères marins et du fonctionnement des écosystèmes, les débris de plastique peuvent aussi avoir des impacts physiques sur les écosystèmes receveurs tels que la perturbation d’organismes sessiles et de certains types de végétation sur les rives, l’altération des sites de nidification de certains oiseaux, l’ombrage de plantes aquatiques et d’algues et même la noyade d’animaux marins.

Pourquoi le plastique est-il un bon radeau?
Une bouteille d’eau prend près de 450 ans avant d’être dégradée. Une mousse de polystyrène extrudée peut prendre jusqu'à 5000 ans avant d’être complètement dégradée, tandis que du bois non traité a une durée de vie de moins de 10 ans. En comparant les différentes durées de vie, on peut comprendre que des débris d’origine anthropique auront plus de chances d’être des vecteurs pour certaines espèces et ce, sur une plus longue période. Même si le phénomène de dispersion avait déjà lieu avant l’apparition du plastique en mer, nous avons facilité ce déplacement en augmentant les possibilités de dispersion par l’augmentation du nombre de débris.
Le plastique, économique à quel point?

Selon l’Office of Technology Assessment, le coût des dommages dus aux espèces non indigènes s’élèverait à près de 128 milliards de dollars US annuellement aux États-Unis, la majorité de ces coûts provenant de la perte de poissons d’élevage commerciaux ainsi que de la pêche récréative. Cependant, cette estimation est faite à la baisse car l’étude ne tient pas compte des dommages excessifs que ces espèces peuvent engendrer. De plus, il a déjà été démontré que les espèces invasives ont la capacité d’altérer les fonctions primaires des écosystèmes, affectant ainsi négativement les espèces indigènes, tout en réduisant la résilience de ces écosystèmes. La résilience d’un écosystème est la capacité d’un système à retrouver son état « normal » après une perturbation, et est fortement influencée par la biodiversité et la complexité de celui-ci.  Pour illustrer ce phénomène, Dr Morissette explique qu’un écosystème est semblable à une charpente composée de plusieurs poutres. Ces poutres peuvent représenter des espèces ou des fonctions de l’écosystème, comme la purification de l’eau ou la diminution de l’érosion. Le plastique agit comme perturbateur du milieu et vient abîmer, voire briser certaines poutres (en poussant une espèce à l’extinction, par exemple), ce qui vient fragiliser l’ensemble de la structure. Ainsi, un écosystème possédant une forte résilience risque de mieux résister à une espèce invasive, ainsi qu’à toute autre perturbation, telle que le changement climatique.

Une invasion pas si passive…

Les espèces invasives sont la deuxième plus grande menace pour la biodiversité locale, après la perte d’habitat. Une étude récente de Belinda Gallardo, spécialiste en écologie d’invasion et en restauration écologique, et de ses collègues suggère que les envahisseurs aquatiques entraîneraient une diminution généralisée dans l’abondance et la diversité des communautés aquatiques indigènes et pourraient éventuellement engendrer des extinctions locales. Les populations les plus affectées sont les poissons, le zooplancton et les macrophytes (plantes aquatiques). De plus, les résultats obtenus indiquent une augmentation d’azote et de matière organique dans les environnements envahis par ces nouveaux organismes, ce qui influence aussi les conditions hydrologiques du milieu, telle la sédimentation. Ces perturbations pourraient fortement affecter le fonctionnement de l’écosystème et éventuellement causer une eutrophisation (accumulation de certains nutriments, comme le phosphore ou l’azote, provoquant une croissance d’algues, ce qui dégrade le milieu). Cependant, ces changements pourraient prendre du temps à être observés car les espèces invasives prennent en moyenne 50 ans avant d’être complètement établies dans un nouvel écosystème.

Le microplastique : un agent qui travaille dans l’ombre

Au fil du temps, tous ces polymères synthétiques composés de longues chaînes de molécules se désintègrent en de plus petites particules dans l’environnement. Les plus petites chaînes sont brisées par les rayons ultraviolets, la salinité de l’eau et les turbulences physiques, telles que le vent, les collisions, les vagues et le courant, qui « brisent » le microplastique. Il existe deux sources principales de microplastique (invisible à l’œil nu) : la dégradation du macroplastique (visible à l’œil nu) en plusieurs fragments et l’utilisation de produits domestiques contenant des microbilles de plastique. Comme le mentionne Dre. Morissette, ces dernières sont de plus en plus considérées comme un fléau environnemental, car leur petite taille les rend à la fois plus facilement absorbables par les organismes vivants et impossibles à retirer des cours d’eau. De plus, puisque les microbilles de plastique ne sont pas filtrées et retirées de la circulation par les systèmes de traitement des eaux, elles se concentrent dans les affluents. Malgré l’interdiction en 2018 de l’utilisation de microparticules dans les cosmétiques canadiens, une grande quantité s’est déjà accumulée dans les cours d’eau.

Où en est la recherche sur le microplastique?

Le nombre d’études sur le microplastique demeure très faible mais, une tendance générale vers de plus amples recherches semble prendre forme, autant d’un point de vue général que sur les milieux aquatiques. Cependant, selon le professeur Maikel Rosabal Rodriguez de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), spécialisé en toxicologie environnementale, les études faites en laboratoire sont souvent non représentatives de la situation réelle  des milieux aquatiques, étant donné qu’il est difficile d’isoler, d’identifier et de quantifier le microplastique.

Des études peu réalistes…

Plusieurs problématiques sont soulevées lorsque vient le temps d’analyser les études sur les microplastiques. Selon le Dr. Rosabal Rodriguez, les recherches sont souvent réalisées à l’aide d’échantillons provenant de la colonne d’eau alors que le microplastique s’accumule aussi dans les sédiments. De plus, l’eau salée est plus souvent étudiée comparativement à l’eau douce. Faute d’outils, de méthodes de prélèvement et/ou de mesure, les concentrations de plastique utilisées pour la recherche sont souvent fictives puisqu’il est difficile d’évaluer la véritable concentration de microplastique dans l’eau. En outre, on retrouve plusieurs types de microparticules qui peuvent être reconnus, à tort, comme du plastique : métaux, cendres, voire même des particules de pneus. Aussi, les études mesurent plus souvent les effets à court terme du microplastique, alors qu’elles devraient plutôt mesurer le long terme, considérant la longévité du plastique dans l’eau.

Que fait-il sur l’organisme?

Bien que les résultats des études soient discutables, il est toutefois possible d’en tirer des conclusions générales. En ce qui concerne les effets physiques des microplastiques sur les organismes marins, nous savons qu’ils entrent généralement dans leur système par ingestion et en sortent par le tractus gastro-intestinal, sans nécessairement causer  de dommages cellulaires. Parfois, ce phénomène induit un stress, ce qui a évidemment un coût énergétique chez les organismes au bas de la chaîne trophique. Idéalement, le microplastique est rejeté avant sa digestion : les conséquences sont ainsi moins néfastes. Il n’a pas encore été prouvé que le microplastique, à lui seul, peut induire des changements d’habitudes ou de développement. Toutefois, on remarque un stress oxydatif et des réponses inflammatoires localisées. Le principal problème lié à la présence des microplastiques dans l’environnement n’est pas leur ingestion ni le plastique lui-même, mais plutôt leur capacité à bioconcentrer les contaminants de l’environnement. L’ingestion de particules contaminées fait en sorte que les additifs biologiquement actifs retrouvés sur le plastique inerte, qui affectent potentiellement le développement et la reproduction, sont rejetés dans la circulation sanguine de l’hôte. Par ailleurs, plus les particules de microplastiques sont grandes, plus elles passent de temps dans le système digestif, ce qui accroît l’exposition aux toxines et leur absorption par les organismes. C’est de cette façon que les microparticules entrent dans la chaîne alimentaire, ayant comme résultat la bioaccumulation et la bioamplification.

Ce problème est encore plus alarmant dans le cas du nanoplastique. Jusqu’à présent, les recherches dans ce domaine se sont surtout concentrées sur le problème général des nanoparticules, plutôt que sur les nanoplastiques spécifiquement. Néanmoins, les nanoparticules sont présumément largement répandues et elles ont  le potentiel d’avoir des effets sur le système nerveux. Elles sont probablement internalisées par les cellules, étant donnée leur capacité à passer les membranes, causant ainsi des dommages directs à la santé humaine.

Effets des microplastiques et de leur accumulation dans l’environnement

Par ailleurs, une étude réalisée par le chercheur Anthony Ricciardi (spécialiste en écologie des espèces invasives) et ses collègues de l’Université McGill et du GRIL (groupe de recherche interuniversitaire en limnologie), ont démontré la présence de microbilles de plastique dans les sédiments marins du Saint-Laurent. La présence de ces particules à cet endroit démontre qu’elles ne sont pas uniquement retrouvées dans la colonne d’eau, mais qu’elles peuvent aussi s’accumuler dans les fonds marins. La présence de ces nombreux fragments peut changer les propriétés physico-chimiques de l’environnement et ainsi créer d’autres problèmes écosystémiques. Par exemple, on a noté une diminution de la diffusion thermique des sédiments terrestres, ce qui affecte la détermination thermodépendante du sexe chez les embryons de certaines espèces déposant leurs œufs dans le sol, comme les tortues, les alligators et les crocodiles.

Qu’en est-il du St-Laurent? 

Le fleuve St-Laurent  est d’une importance cruciale pour beaucoup de Québécois : selon le gouvernement du Québec, environ 80% de la population réside sur les rives du fleuve, et la moitié de cette dernière l’utilise comme source d’eau potable. Il est donc raisonnable de se questionner sur la présence de plastique dans celui-ci. En fait, très peu d’études se sont intéressées à ce problème, mais celle d’Anthony Ricciardi et de ses collègues mentionnés précédemment a quantifié le microplastique présent dans les eaux du St-Laurent entre Montréal et Québec. La conclusion n’est pas très réjouissante: une moyenne de 832 particules de plastique par kg de sédiments a été estimée, ce qui place le Saint-Laurent parmi les 25% des pires cours d’eau douce au monde, au même rang que ceux situés près de grands centres urbains chinois. C’est à l’est de l’île de Montréal que les concentrations en plastique sont les plus importantes, toujours selon cette étude. 
Comme dans le « bon vieux temps »

Si la recherche actuelle sur les effets de l’accumulation du plastique dans l’environnement aquatique souffre de nombreux angles morts, cela est surtout dû au fait que cette problématique est relativement récente. Il existe habituellement un délai plus ou moins long entre le moment où un produit sort sur le marché et l’étude de ses effets. Par exemple, un bon nombre d’années se sont écoulées avant qu’un lien de causalité n’ait été prouvé entre la cigarette et les problèmes de santé qu’elle engendre.

La lumière au bout du tunnel?

Sur une note plus positive, certains endroits du globe, tels que l’Europe, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, débloquent de plus en plus de fonds pour le développement de protocoles de recherche et de méthodes de prélèvement efficaces dans le but d’étudier le microplastique aquatique. Pour ce qui est du Canada, toujours selon M. Rosabal Rodriguez, le gouvernement fédéral a créé une plateforme de subvention pour la recherche sur les effets des microplastiques d’une valeur d’environ 1 000 000$ CAD, offert par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).

Même si les perspectives face à la pollution des océans par le plastique semblent inquiétantes, surtout considérant les nouvelles problématiques soulevées dans cet article, tout n’est pas encore perdu. En combinant efforts et ingéniosité, peut-être réussirons-nous  à diminuer, voire à mettre fin aux répercussions néfastes des déchets de plastique dans un futur plus ou moins rapproché. Heureusement, plusieurs technologies émergentes commencent déjà à prendre leur élan dans la course au remplacement du plastique.

© Kordite – Flickr
Alternatives au plastique
Les bioplastiques ont une composition similaire au plastique traditionnel, mais contrairement à celui-ci, ils sont composés d'éléments naturels (et non à base de pétrole), ce qui diminue leur durée de vie. Toutefois, même si certains bioplastiques sont considérés biodégradables et compostables, ils ne peuvent l’être qu’à condition d’être acheminés dans des centres de recyclage appropriés. Ils ne se décomposent donc pas rapidement de façon naturelle, ne réglant pas le problème posé par les continents de plastique. Néanmoins, même si ces alternatives ne sont pas parfaites, certaines d’entre elles semblent prometteuses: le chanvre et la lignine sont deux produits fortement exploités, mais dont les dérivés sont en majorité jetés ou brûlés. Ceux-ci pourraient donc servir d’alternative au plastique. Par exemple, le chanvre est utilisé pour des produits contenant du CBD, mais les feuilles et tiges non-utilisées peuvent être transformées en divers types de plastiques. Selon le fondateur de The Hemp Plastic Company, une compagnie offrant des bioplastiques à base de chanvre, le simple fait de remplacer une partie de la composition des plastiques traditionnels avec du chanvre pourrait fortement faciliter la dégradation du produit final. Moins présentes sur le marché, d’autres alternatives plus surprenantes sont aussi disponibles, comme des emballages alimentaires à base de champignons ou d’algues. Plus étonnant encore: le bambou peut aussi servir à confectionner du textile, et donc, à la fabrication de vêtements! 

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